mercredi 3 juillet 2013

Déménagement

On a décidé de pousser les murs , de les repeindre, de réorganiser les pièces.
La seule chose qui n'a pas changé dans le fond c'est l'adresse : http://blog.cube-sante.com mène toujours à notre blog.
Ce qui n'a pas suivi par contre ce sont les flux ... Il faut donc remettre les flux dans vos agrégateurs respectifs pour rester au courant des derniers billets publiés!


A VOS FLUX!

samedi 18 mai 2013

Mastectomie prophylactique : ma réponse à Christine Boutin

Chère Madame Boutin,
J'ai lu avec attention votre tweet au sujet la double ablation des seins d'Angelina Jolie et c'est avec autant d'attention que j'ai lu le développement de votre pensée en plus de 140 caractères. (Malheureusement, un incident informatique ayant mis indisponible le site de votre parti, je met en lien l'article d'Europe 1)
Je partage vos interrogations sur la démarche de Madame Jolie. Se faire retirer les seins en absence de maladie est quelque peu perturbant. En revanche, permettez moi de ne pas revenir sur l'opportunité médicale de l'opération car le commenter serait mal venu à plusieurs titres : 
  • Je ne suis pas médecin, 
  • Je n’ai eu pas accès à son dossier médical (en revanche, si elle pouvait me donner son 06…) 
  • Et surtout, comme le rappelait hier ma complice de blog, Angelina Jolie est propriétaire de son propre corps et, qu’à ce titre, elle a le droit de faire les choix qu’elle souhaite.
Donc point de critiques sur la pertinence de son choix ou des alternatives à celui-ci, d’autres le font suffisamment (tant sur les pages santé que people, soit dit en passant). Mais des critiques tout de même, pas tant sur l’acte en lui-même mais sur sa dimension médiatique et éthique.

Une porte ouverte à tous les débordements

En médiatisant son opération, Angelina Jolie milite pour une certaine forme de vulgarisation. Sans un encadrement adéquat, comment être sûr qu'il n'y aura pas de "mastectomie de convenance" : plutôt que de vivre avec un doute, un risque, avec la peur d'une chimiothérapie, ne serait il pas plus simple de couper court au Crabe en lui retirant son lit ?
Bien que son cas soit particulier (elle est porteuse d'une mutation sur le gène BRCA 1), son exemple ne risque-t-il pas d'être perçu comme un message universel à toutes les femmes qui ont peur d'avoir le cancer ?
Cette solution ne serait elle d'ailleurs pas plus économique pour nos systèmes de santé à l'agonie ? Une ablation précoce serait, sans doute, moins coûteuse qu'une succession de protocoles thérapeutiques délétères pour la qualité de vie de la patiente. Un article récent paru dans le quotidien La Croix soulignait l'évolution inquiétante des césariennes non médicalement justifiées. Si l'on y prend garde la mastectomie préventive pourrait bien, sous la pression des pouvoirs publics et/ou du corps médical, se développer plus que de raison.
Une étude présentée en 2005 lors des Journées de psycho-oncologie à l'Institut Curie montrait que le recours à la chirurgie variait selon les pays. En France, seules 2% des femmes porteuses de la mutation BRCA (soit environ 100 femmes sur 5000) ont eu recours à une opération préventive contre 11% aux USA (soit 27500 femmes sur 250000) ou 55% aux Pays-Bas (je cherche la prévalence).
Les raisons de ces disparités peuvent être multiples : moeurs plus "libres", pressions diverses de la part des professionnels de santé. Et c'est là où le bât blesse !

La femme assise face aux médecins debout

Car si l'on peut imaginer des médecins peu scrupuleux pousser les femmes à la mutilation sur la table d'opération, on peut également imaginer que ces mêmes médecins préfèrent dissuader les femmes d'agir préventivement plutôt que de les informer de manière équilibrée (voir le très bon article de Jean Daniel Flaysakier à ce sujet). D'ailleurs, Angelina Jolie le précise dans son article (que je vous invite à lire), elle invite les femmes qui ont des antécédents familiaux à se faire dépister et à s'informer sur le sujet pour qu'elles puissent faire leurs propres choix éclairés. N'est ce pas la base d'une démarche humaniste ? Permettre à l'individu de prendre son destin en main contre ceux qui veulent lui imposer leur volonté ?
Il faut, en outre, rappeler qu'elle s'adresse principalement à un lectorat nord-américain plus enclin à gérer son "Capital Santé" contrairement à nous, Européens, qui avons plus tendance à déléguer cette gestion aux professionnels de santé. Cette différence fondamentale explique pourquoi la démarche d'Angelina Jolie nous semble étrange voir malsaine. D'autant plus étrange que nous avons, en France, accès à des campagnes de dépistage organisés comme en France (Octobre Rose). A ma connaissance, la femme nord-américaine est seule face à la maladie et qu'elle doit donc être à l'origine de sa démarche de santé, faut il encore qu'elle ai conscience de ses risques et qu'elle ose.
N'oublions pas que nous nous inscrivons dans le cadre d'un cancer d'origine génétique et que la tribune du New York Times n'est pas un appel à la mastectomie généralisée. Cependant, sa démarche peut avoir un impact auprès de l'ensemble des femmes confrontées au cancer du sein. Cela me semble une très belle opportunité de faire bouger les lignes.

La féminité comme une représentation de soi

Je dois avouer que votre vision de la féminité me met un peu mal à l'aise. Même si je conviens que le sein a une place importante dans notre conception de féminité, il n'en est pas le seul attribut et sa perte ne doit pas être perçu comme un élément rédhibitoire. 
Que l’on aime ou pas Angelina Jolie, il faut bien reconnaître qu’elle est à la fois belle et célèbre (je laisse chacun juge de son talent). C’est une femme d’images qui a, mais pas seulement, joué de sa plastique dans sa carrière, ne serait ce qu’en interprétant Lara Croft dans la série des « Tomb Raider ». Médiatiser le retrait de ce qui est pour notre société le principal vecteur de la féminité peut être perçu comme une prise de risque professionnelle. Cela être également perçu comme une formidable opportunité pour toutes les femmes qui ont eu ou vont avoir une mastectomie (pas forcément préventive). C'est un message pour celles qui ne se sentent plus femme après leur opération, un exemple pour elles de voir cette femme continuer à vivre malgré son opération. Pour peu qu'elle reste perçue comme une icône glamour et l'image qu'ont les femmes de leur corps mutilé pourra changer. "Si elle y arrive, pourquoi pas moi ?"

Il ne faut pas voir de la malveillance ce qui peut s'expliquer par de l'incompétence (Napoléon)

Après lecture de votre tribune, je ne peux m'expliquer vos propos que par une profonde incompétence en matière de santé. Tout s'y trouve mélangé : mastectomie, eugénisme, prothèse PIP, mondialisation des consciences, vision quelque peu "traditionnelle" de la féminité et j'en passe. Pour éviter de me perdre tant les angles sont nombreux, j'organiserais en 3 points ce que j'appellerais la démonstration de mon mépris.
  • Vous reprochez à Angelina Jolie son appétit de toute puissance. En faisant preuve d'un minimum d'empathie, on peut comprendre qu'une mère de famille ayant perdu sa propre mère, alors que cette dernière n'avait que 56 ans, n'a pas envie de faire subir cela à ses enfants. Certes son intervention n'élimine pas à 100% le risque de cancer, mais il le réduit considérablement. Peut être qu'elle n'aurait jamais déclaré de cancer sans intervention, mais ça, on ne le saura jamais. Je pense qu'à défaut de faire bien, elle a fait au mieux, pour que ses enfants puisse avoir leur papa et leur maman (c'est important).
  • Tous les amalgames sont bons pour servir votre cause. La référence aux prothèses PIP est tout bonnement navrante. Effectivement, Angelina Jolie porte désormais des prothèses (si vous aviez lu son article, vous l'auriez su). Pour mieux dénoncer son opération, vous n'hésitez pas à jeter le discrédit sur un produit (la prothèse mammaire) qui est généralement bien encadré et toléré en l'associant à un fait divers relatif à une fraude. Car le scandale PIP est le fruit d'une fraude. Le produit a été développé par un margoulin afin de maximiser son profit, ce qui n'est pas le cas de la grande majorité des prothèses. Les seuls amalgames que je tolère sont ceux de mon dentiste (et encore).
  • Il n'est pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Vous êtes tellement sûre de vos idées que vous "pliez la réalité" pour qu'elle rentre dans vos cases. Votre tweet n'est que le reflet de la haine que vous portez à la théorie du genre. Si une femme se coupe les seins, c'est pour ressembler à un homme. Peut être ne souhaite-t-elle pas vivre avec une épée Damoclès au dessus de la tête ? Vous fustigez la consécration de la société des riches, vous oubliez juste que les autres pays ne vivent pas comme nous. Ce qui peut paraître étrange en France, compte tenu de son système de santé, peut être totalement justifier dans d'autres pays. Enfin, vous conspuez la médiatisation outrancière qui rend public au niveau mondial la vie privée et intime, mais c'est faire l'impasse sur les engagements humanitaires d'Angelina Jolie qui est accessoirement ambassadrice de bonnes volontés auprès du haut commissariat des nations unies pour les réfugiés. Vu son histoire personnelle, quand elle dit qu'elle veut témoigner pour aider les femmes à prendre leur destin en main, j'ai tendance à la croire. Je suis peut-être naïf, au moins j'essaye de ne pas être sectaire.
Bien sûr, tout cela n'exclut pas les risques de débordement précédemment évoqués. Mais il est du rôle du politique (ce qui semble être votre cas) d'accompagner ces évolutions, de donner un cadre pour en éviter les dérives. Faut il encore regarder ces évolutions d'un œil neuf et éviter d'y voir ce qu'il n'y a pas.

mercredi 15 mai 2013

Angélina Jolie, ses seins, son choix

Depuis hier on entend beaucoup parler des seins d'Angelina.
Pas que celle-ci les ait à nouveau mis au service de Lara Croft mais parce qu'elle a fait le choix de subir une double mastectomie préventive comme elle l'explique très bien dans la tribune publiée mardi dans le NY Times.

Afin de permettre au non anglophone de comprendre, en voici une version traduite par le binome de ce blog : 
Ma mère s’est battue contre le cancer pendant près d’une décennie. Elle est morte à 56 ans. Elle a résisté suffisamment longtemps pour faire la connaissance de son premier petit-enfant et le tenir dans ses bras. Malheureusement, mes autres enfant n’auront jamais la chance de la connaitre ni de se rendre compte combien elle était aimable et aimante.
Nous parlons souvent de « la maman de maman », j’essaye alors de leur expliquer ce qui lui est arrivé et lorsqu’ils me demandent si la même chose pouvait m’arriver, je leur dis de ne pas s’inquiéter. Mais la vérité est que je porte en moi un gène « défectueux », BRCA1, qui augmente considérablement mes « chances » d’avoir un cancer du sein et des ovaires.
D’après les médecins, j’avais près de 87% de chance de développer un cancer du sein et 50% un cancer des ovaires même si chaque cas est différent.
Les cancers du sein d’origine génétique sont rares. Cependant, pour les porteurs du gène BRCA1 défectueux, la probabilité d’en développer un est de 65% en moyenne.
Dès que j’ai su que c’était mon cas, j’ai décidé d’être proactive et de faire tout ce qui était possible pour minimiser ce risque. J’ai décidé de subir une double mastectomie prophylactique (ablation du sein préventif NDLT). J’ai commencé par la poitrine car le risque de cancer y est plus important que pour les ovaires et la chirurgie moins difficile.
J’ai fini le suivi médical qu’implique une mastectomie le 27 avril. Pendant ce temps, j’ai pu garder cela secret et continuer mon travail.
Si j’écris cela aujourd’hui, c’est pour permettre à d’autres femmes de profiter de mon expérience. Le cancer est toujours un mot qui fait peur, un mot qui procure un sentiment d’impuissance. Toutefois, il est désormais possible d’évaluer son risque de cancer du sein et des ovaires grâce à un simple teste sanguin afin d’agir en conséquence.
J’ai démarré ma démarche le 2 février 2013 par la procédure appelée « Nipple delay » visant à exclure la maladie des canaux mammaires derrière le mamelon et à apporter un flot de sang vers cet endroit. Cette procédure est douloureuse et provoque de nombreuses contusions, mais elle augmente les chances de sauver le mamelon.
Deux semaines plus tard, j’ai subi une intervention chirurgicale importante où le tissu mammaire a été enlevé et remplacé par des prothèses temporaires. L’opération a duré 8 heures. Vous vous réveillez avec des drains et des prothèses dans les seins. Ca donne l’impression de tourner dans un film de science-fiction, mais après quelques jours, vous pouvez retrouver une vie normale.
Neuf semaines passées, l’ultime chirurgie est suivie par la reconstruction des seins avec un implant. De nombreux progrès ont été réalisés ces dernières années et les résultats peuvent être de toute beauté.
J’ai voulu écrire mon histoire pour dire aux autres femmes que cette décision n’a pas été simple à prendre et que je suis heureuse de l’avoir prise. Mes chances de développer un cancer du sein ont chuté de 87 à moins de 5%. Je peux dire à mes enfants qu’ils n’ont plus de craintes à avoir. Je ne mourrais pas d’un cancer du sein.
Il est rassurant de constaté qu’ils ne verront rien qui puisse les mettre mal à l’aise si ce n’est quelques petites cicatrices. Hormis cela, je reste celle que j’ai toujours été : je reste Maman. Ils savent que je les aime et que je ferais tout ce que je peux pour rester auprès d’eux le plus longtemps possible. D’un point de vue personnel, je ne me sens pas moins femme. Je me sens plus forte d’avoir pris cette grande décision qui ne diminue en rien ma féminité.
J’ai la chance d’avoir un compagnon, Brad Pitt, qui m’aime et me soutient. Donc, si vous avez une femme ou une petite amie qui se trouve dans cette situation, sachez que vous avec un rôle très important. Brad a toujours été à mes cotés au « Pink Lotus Breast Center » où j’ai été soigné. Nous avons réussi à trouver des moments où nous avons pu rire ensemble. Nous savions que c’était la meilleure chose à faire pour notre famille et que cela nous rapprochera. Et ce fut le cas.
A toi qui me lit, j’espère que cela t’aidera à savoir que tu as le chois. Je veux encourager toutes les femmes et particulièrement si vous avez des antécédents familiaux de cancer du sein ou des ovaires, de rechercher des informations et des expertises médicales qui vous permettront de faire vos propres choix éclairés.
Je sais qu’il y a de formidables médecins qui travaillent sur des alternatives à la chirurgie. Mon propre cas sera publié en temps voulu sur le site internet du « Pink Lotus Breast Center ». J’espère que cela sera utile à d’autres femmes.
D’après l’OMS, le cancer du sein tue à lui seul près de 458 000 personnes chaque année, principalement dans les pays à faible et moyen revenu. Il se doit d’être une priorité sanitaire afin de permettre que davantage de femmes puissent accéder aux tests génétiques ainsi qu’aux traitements préventifs, quelques soient leurs moyens et leurs origines. Le coût des tests pour BRCA1 et BRCA2, qui représente plus de 3.000 dollars aux Etats Unis, reste un obstacle pour beaucoup de femmes.
Je choisi de ne pas cacher mon histoire car il y a beaucoup de femmes qui peuvent ignorer qu’elles vivent peut être à l’ombre du cancer. J’ai dans l’espoir qu’elles aussi pourront être dépistées et qu’elles sauront, le cas échéant, qu’elles ont le choix.
La vie nous réserve de nombreux défis. Ceux que nous ne devons pas craindre sont ceux sur lesquels nous pouvons avoir une emprise.

Le moins qu'on puisse dire c'est que cette annonce a suscité l'incompréhension, la critique et l'agressivité sur les internets. Le jugement assurément.
J'ai lu qu'on la qualifiait d'excessive ou d'extremiste, qu'elle devait avoir un problème psy, qu'elle pouvait se le permettre car elle était riche et célèbre etc... etc... etc...
Je ne peux croire qu'après la lecture du texte d'Angelina on garde la même position.

La mastectomie prophylactive n'est pas pratiquée uniquement aux USA. Elle est pratiquée en France aussi même si elle y est moins courante à priori. Combien de femmes font ce choix chaque année? L'INCa annonçait hier que 5% des femmes ayant été testée porteuse de la mutation génétique faisait le choix d'une mastectomie prophylactive. 
Ces femmes ne sont ni excessives, ni folles, ni riches, ni célèbres. Ce qu'elles ont de commun avec Angelina Jolie par contre c'est d'avoir un risque génétique accru de développer un cancer du sein par mutation du gène BRCA 1 et/ou 2 et l'histoire familiale qui va avec. Nombre de ces femmes ont vu leurs tantes, leurs mères, leurs grand mères, leurs soeurs souffrir ou succomber du même cancer.
On estime qu'une mutation de BRCA 1 augmente de 65% les risques de cancer avant 70% et de 45% pour le BRCA 2 (source [pdf]) quand le risque dans la population normale est de 9%. (Ca fait une différence quand même)

Angelina Jolie a perdu sa mère quand celle-ci avait 56 ans. Elle a fait le test génétique l'informant qu'elle était elle-même porteuse de la mutation. La différence avec n'importe qui peut éventuellement lui être reprochée tient là, comme elle le dit le test aux USA coute 3000$ ce qui n'est pas à la portée de la première bourse venue.

En France, les consultations d'oncogénétique se développent mais l'accès en est toujours "délicat". (Comme pour tout dépistage génétique)
En effet une fois informée qu'on a 65% ou 45% de risque de déclarer un cancer du sein quand les autres femmes en ont 9%, qu'on sait pour l'avoir vu souvent chez ses proches en quoi consiste un cancer et ses traitements, qu'est-ce qu'on fait de se savoir et de l'angoisse qu'il peut générer?
Un suivi accru certes mais certaines femmes font le choix d'aller plus loin et d'engager des actions pour réduire significativement le risque de voir un jour ce cancer se déclarer : mastectomie (et/ou ovariectomie).
Et ce n'est jamais un choix facile que de décider de subir une ablation des seins même avec reconstruction ou des ovaires.
Cette décision heurte souvent les esprits. Autant chez les soignants que chez monsieur tout le monde comme l'a prouvé les réactions citées au début. Après tout 65% (ou 87% d'après le médecin d'Angelina Jolie) ce n'est pas 100% de risque de déclarer un cancer, l'acte chirurgical est lourd et pas sans conséquences ni risques, malgré l'opération le risque de déclarer un cancer ne passe pas à 0 mais à 6,5%, etc...

La critique est aisée mais l'art est difficile. Nous sommes prompts à juger mais si nous étions dans la même situation qu'elle, avec une telle épée de Damoclès et une telle angoisse je ne suis pas sûre que nous ne ferions pas le même choix. En tout cas JE ne suis pas sûre que je ne ferai pas le même choix.
Et Angelina Jolie étant seule à disposer de son corps, je pense que la moindre des choses serait de respecter son choix et d'essayer de le comprendre. De même que toutes les autres femmes qui ont un jour pris la même décision.

lundi 29 avril 2013

Dernière chance

 Il y a 62 ans qu'André et Huguette sont mariés. Ça en fait un paquet d'années partagées.
Comme tous les couples ils ont traversé des joies et des peines, mais ils les ont traversé ensemble. Toujours à se soutenir l'un l'autre.
Ils ont eu 8 enfants ensemble, qu'Huguette a élevé quasiment seule d'une poigne d'acier tout en faisant des ménages pendant qu'André parcourait les routes de France pour nourrir sa famille.

Aussi il y a 6 ans quand ils ont appris qu'André avait un cancer de la prostate ils ne se sont guère souciés. Ils allaient affronter ça ensemble comme toujours et puis le cancer de la prostate ça se guérit facilement non?

Non.
Après 6 ans de traitement, de bonnes et de mauvaises nouvelles, de désillusions diverses, André se meurt.
Mais avant ça il y a eu le long parcours des traitements et la lente dégradation de son état de santé. 
Un jour André n'a plus pu monter dans la baignoire sans danger ni conduire, puis plus pu monter les marches de l'escalier pour rejoindre leur chambre et il n'a plus réussi à s'habiller seul, après ce sont les déplacements dans la maison tout court qui sont devenus compliqués. 
André est tombé, plusieurs fois. Il a été hospitalisé souvent suite à ses chutes.

Quand cette spirale a commencé, au tout tout début, André a fait promettre à Huguette que jamais elle ne le mettrait en maison de retraite.
Huguette, qui a élevé quasi seule ces 8 enfants et pense pouvoir tout gérer, a promis.
Sans forcément prendre la mesure de la promesse qu'elle faisait, comme toutes ces familles qui font ou feront la même un jour.
On ne réalise pas, ou ne veut pas réaliser, le poids physique et psychique extrême que la dépendance d'un proche induira sur nous quand nous serons en situation d'aidants familiaux.

Pour son crédit Huguette n'a pas renié sa promesse - comme d'autres à sa place finissent souvent par le faire - et elle a gardé son mari à la maison, gérant chaque augmentation de la dépendance de celui-ci en bricolant entre ses enfants, son médecin généraliste, les infirmières de son village, les auxiliaires de vie et les séjours à l'hopital.
Elle a transformé le salon en chambre en bas des marches d'escalier, a fait aménager une douche sans marche dans un coin de la buanderie, a fait la toilette au gant, a acheté des protections, s'est levée la nuit, a écrasé des bananes tous les matins, etc...

Quand je vois Huguette, elle me considère un peu comme sa dernière chance et elle me le dit.
Ce qu'Huguette espère de moi, c'est enfin un soutien pour qu'elle réalise son projet : celui de ramener son mari chez eux, pour qu'il y meurt tranquillement et qu'elle reste à ses côtés.
Ce qui me frappera dans ce que me dira Huguette c'est que tout au long de ces années où son mari s'enfoncera et où elle-même s'avancera dans l'âge, pas un seul soignant ne la soutiendra dans son projet de garder son mari avec elle. Souvent en partant d'un bon sentiment, celui de considérer que c'est un poids trop lourd pour elle et qu'elle doit s'en décharger. Jamais en écoutant ce qu'elle dira de ce qui la pousse à garder son mari malgré toutes les difficultés.
Alors Huguette doit faire face de façon de plus en plus insistante voire péremptoire aux demandes pour qu'elle place son mari.

Huguette a bien conscience de toute la difficulté de l'entreprise mais malgré le poids que cela représente, Huguette ne supporte pas l'idée de placer son mari. Oui ça la soulagerait mais elle y penserait le jour et la nuit, qu'il est là-bas, qu'elle n'y est pas pour lui tenir compagnie et s'occuper de lui, pour surveiller comment on s'en occupe.
Et Huguette a bien conscience - a raison - que son mari déjà fragile serait complètement chamboulé par ce nouveau lieu et ces nouvelles personnes inconnues.
Ce que réclame Huguette c'est une autre solution.

Et ces solutions elles existent.
Dommage qu'il ait fallu qu'elle arrive désespérée jusqu'à moi pour qu'on les lui propose.

L'enfer est pavé de bonnes intentions.

jeudi 18 avril 2013

Le secret médical à l'épreuve du numérique

Peut-être avez-vous entendu parler de ces différentes affaires de dossiers médicaux retrouvés en libre consultation sur le net?
En ce qui me concerne c'est l'excellent dossier de France Info qui a fait parvenir à mes oreilles ces affaires. 
Et je dois dire que ma première réaction a été de me dire qu'il était étonnant que je n'en ai pas entendu parlé avant.
Pas que j'en étais surprise ou choquée. Comme le confie ce chirurgien, "correspondant informatique et liberté", je me suis même dit qu'il était étonnant que ce ne soit pas plus fréquent. Beaucoup plus fréquent.
Tant les failles me semblent énormes et le milieu médical en retard sur la sécurisation des données lors de leur transmission mais aussi par rapport à la réflexion éthique à avoir autour de ce sujet.
C'est d'ailleurs pour cette raison si je suis pour le moment encore opposée au dossier médical personnel numérique - même si l'idée de base est excellente - tant je crois le système de santé français et les soignants encore peu prêts à en faire un usage sûr.

Dans mon établissement actuel, à mon arrivée, j'avais posé une question au service informatique par rapport à la sécurisation des données des dossiers et au transfert via mail. La réponse avait été sans équivoque : il était interdit d'échanger par mail la moindre information concernant un patient. Y compris en interne via nos boîtes mails censément hyper sécurisées fournies par notre employeur.
Vous dirais-je que dans la pratique ... évidemment des données concernant les patients circulent par mail entre les soignants. Essentiellement entre les médecins. Parce que c'est plus facile et pratique que même un coup de fil qui tombera mal pendant un rdv et sera oublié dans la foulée.
Suite à la mise en garde du service informatique et devant l'existence manifeste des échanges, j'avais fait la remarque à "mes" médecins qu'on m'avait bien prévenue que c'était interdit et en violation du secret médical. Ce qui avait provoqué à la fois la consternation et l'hilarité.

Les mails simplifient énormément la vie des médecins surtout en milieu hospitalier. Ils permettent le travail en concertation devenue à la fois une obligation et une nécessité, la demande d'un avis, la circulation rapide et suivie de l'information.
L'outil informatique d'une manière générale simplifie la vie des soignants. Permettant d'accéder à tout instant à un dossier, de voir en un clic l'historique des consultations, des prescriptions, des examens. Il permet aussi la prescription sécurisée, le suivi de la délivrance de certains traitements etc.
Il induit aussi bien souvent chez ceux qui l'utilisent une grande inconscience et une certaine naïveté. A fortiori dans le milieu médical sans doute pas assez formé et questionné sur ce sujet.
Est-ce parce que je suis blogueuse que j'ai l'impression d'être plus sensible à ces questions et aux dangers inhérents à l'informatisation?

Le milieu médical - et on ne peut pas s'en plaindre - est très très très attaché au secret médical. Je n'ai à ce jour jamais rencontré de soignants qui n'aient pas toujours cette notion et son respect strict à l'esprit. Il faut évidemment qu'il en reste ainsi tant c'est un élément fondamental de la relation de soin.
A mon sens les affaires évoquées ci dessus sont essentiellement le fruit de négligences (graves) liées a une grande méconnaissance de la facilité de récupération et de diffusion des informations y compris confidentielles via le net.
Le monde médical, les praticiens s'entend, ne se sont je crois guère posés la question de la confidentialité lors du passage des dossiers papiers aux dossiers informatiques lors de la transition. 
Un dossier consulté sur ordi peut sembler bien proche d'un dossier papier. Si ce n'est que pour rendre inaccessible un dossier papier il suffit de l'enfermer dans une boîte, elle même enfermée dans une boite fermée à clé. Pour un dossier numérique c'est un peu plus compliqué.

On (vous, moi, n'importe qui et assurément pas que les soignants) a tendance à voir nos ordinateurs professionnels ou personnels et tout ce qui leur est lié comme des bunkers sécurisés où personne ne risque d'aller fouiner, c'est bien plus sécurisant que d'avoir conscience qu'ils sont plus proches de la grange ouverte aux 4 vents.
Difficile de se dire aussi qu'on est involontairement, ou tout du moins sans conscience des possibles conséquences, celui qui ouvre le grange en grand. En écrivant un mail, en copiant un dossier sur un clé USB, en naviguant un peu partout sur internet depuis son ordinateur professionnel.

Je crois qu'il est important que le milieu médical se saisisse de ce sujet néanmoins. Pour faire un parallèle frappant je dirais que la préservation des données informatiques des patients est pour partie de la responsabilité des soignants, de la même façon qu'ils leur incombent de faire attention aux protocoles d'hygiène pour éviter la transmission des maladies nosocomiales.