jeudi 18 avril 2013

Le secret médical à l'épreuve du numérique

Peut-être avez-vous entendu parler de ces différentes affaires de dossiers médicaux retrouvés en libre consultation sur le net?
En ce qui me concerne c'est l'excellent dossier de France Info qui a fait parvenir à mes oreilles ces affaires. 
Et je dois dire que ma première réaction a été de me dire qu'il était étonnant que je n'en ai pas entendu parlé avant.
Pas que j'en étais surprise ou choquée. Comme le confie ce chirurgien, "correspondant informatique et liberté", je me suis même dit qu'il était étonnant que ce ne soit pas plus fréquent. Beaucoup plus fréquent.
Tant les failles me semblent énormes et le milieu médical en retard sur la sécurisation des données lors de leur transmission mais aussi par rapport à la réflexion éthique à avoir autour de ce sujet.
C'est d'ailleurs pour cette raison si je suis pour le moment encore opposée au dossier médical personnel numérique - même si l'idée de base est excellente - tant je crois le système de santé français et les soignants encore peu prêts à en faire un usage sûr.

Dans mon établissement actuel, à mon arrivée, j'avais posé une question au service informatique par rapport à la sécurisation des données des dossiers et au transfert via mail. La réponse avait été sans équivoque : il était interdit d'échanger par mail la moindre information concernant un patient. Y compris en interne via nos boîtes mails censément hyper sécurisées fournies par notre employeur.
Vous dirais-je que dans la pratique ... évidemment des données concernant les patients circulent par mail entre les soignants. Essentiellement entre les médecins. Parce que c'est plus facile et pratique que même un coup de fil qui tombera mal pendant un rdv et sera oublié dans la foulée.
Suite à la mise en garde du service informatique et devant l'existence manifeste des échanges, j'avais fait la remarque à "mes" médecins qu'on m'avait bien prévenue que c'était interdit et en violation du secret médical. Ce qui avait provoqué à la fois la consternation et l'hilarité.

Les mails simplifient énormément la vie des médecins surtout en milieu hospitalier. Ils permettent le travail en concertation devenue à la fois une obligation et une nécessité, la demande d'un avis, la circulation rapide et suivie de l'information.
L'outil informatique d'une manière générale simplifie la vie des soignants. Permettant d'accéder à tout instant à un dossier, de voir en un clic l'historique des consultations, des prescriptions, des examens. Il permet aussi la prescription sécurisée, le suivi de la délivrance de certains traitements etc.
Il induit aussi bien souvent chez ceux qui l'utilisent une grande inconscience et une certaine naïveté. A fortiori dans le milieu médical sans doute pas assez formé et questionné sur ce sujet.
Est-ce parce que je suis blogueuse que j'ai l'impression d'être plus sensible à ces questions et aux dangers inhérents à l'informatisation?

Le milieu médical - et on ne peut pas s'en plaindre - est très très très attaché au secret médical. Je n'ai à ce jour jamais rencontré de soignants qui n'aient pas toujours cette notion et son respect strict à l'esprit. Il faut évidemment qu'il en reste ainsi tant c'est un élément fondamental de la relation de soin.
A mon sens les affaires évoquées ci dessus sont essentiellement le fruit de négligences (graves) liées a une grande méconnaissance de la facilité de récupération et de diffusion des informations y compris confidentielles via le net.
Le monde médical, les praticiens s'entend, ne se sont je crois guère posés la question de la confidentialité lors du passage des dossiers papiers aux dossiers informatiques lors de la transition. 
Un dossier consulté sur ordi peut sembler bien proche d'un dossier papier. Si ce n'est que pour rendre inaccessible un dossier papier il suffit de l'enfermer dans une boîte, elle même enfermée dans une boite fermée à clé. Pour un dossier numérique c'est un peu plus compliqué.

On (vous, moi, n'importe qui et assurément pas que les soignants) a tendance à voir nos ordinateurs professionnels ou personnels et tout ce qui leur est lié comme des bunkers sécurisés où personne ne risque d'aller fouiner, c'est bien plus sécurisant que d'avoir conscience qu'ils sont plus proches de la grange ouverte aux 4 vents.
Difficile de se dire aussi qu'on est involontairement, ou tout du moins sans conscience des possibles conséquences, celui qui ouvre le grange en grand. En écrivant un mail, en copiant un dossier sur un clé USB, en naviguant un peu partout sur internet depuis son ordinateur professionnel.

Je crois qu'il est important que le milieu médical se saisisse de ce sujet néanmoins. Pour faire un parallèle frappant je dirais que la préservation des données informatiques des patients est pour partie de la responsabilité des soignants, de la même façon qu'ils leur incombent de faire attention aux protocoles d'hygiène pour éviter la transmission des maladies nosocomiales.

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