lundi 3 décembre 2012

Désert médical, désert d'idées aussi

J'ai découvert ce WE, avec beaucoup de stupéfaction, les propositions de Marisol Touraine pour lutter contre la désertification médiale. Sincèrement, je ne sais pas s'il faut en rire ou en pleurer. Mesure phare de ce plan : compléter le revenu du jeune médecin pour qu'il atteigne 55.000 euros par an, soit 4.600 euros par mois (et non payer 55.000 euros par an comme j'ai pu le lire par ci, par là). Dans un pays où le salaire moyen est de 1.606 euros par mois, je comprend que l'annonce d'un versement de revenu garantissant près de 3 fois ce salaire à de quoi choquer (surtout quand les bénéficiaires de ce versement est perçu comme un nanti).
Répartition des médecins en France Métropolitaine
D'un autre côté, quand on voit que le revenu moyen d'un médecin généraliste est de 66.800 euros par ans (données 2007, j'ai pas trouvé plus récent), c'est pas non plus le Pérou. Je ne sais pas si beaucoup de médecins auront besoin de ce complément.
On a beau avoir la vocation, quand on fait une dizaine d'année d'étude, c'est dans l'espoir de gagner un peu plus que le SMIC, il faut bien l'avouer. 
Ce qui est triste dans cette histoire, c'est que pour Madame la Ministre, le problème de désert médical n'est d'une affaire d'argent (heureusement qu'elle a reçu les médecins blogueurs de l'opération #PrivédeDésert, sinon, je n'ose croire à ce qu'elle aurait pu nous proposer). Comment peut on dire que la médecine générale soit "le socle de notre système de santé" et en comprendre aussi peu les enjeux (notons au passage la créativité sémantique depuis l'hôpital vu comme l'épine dorsale de notre système. A chaque acteur son bouquet de fleur).
Si un médecin ne souhaite pas s'enterrer dans un trou perdu s'installer en zone rurale, ce n'est pas un problème d'argent ni de vocation, mais plutôt un problème d'ordre familiale car, aussi surprenant que cela soit, le médecin est aussi un être humain comme vous et moi. Sa vie ne commence par à partir de son serment, ni même de son concours. Ils sont mariés et peuvent avoir des enfants. Etre médecin, si c'est une vocation, ce n'est pas un sacerdoce.
Pour parler d'un cas que je connais bien (le mien), j'ai rencontré mon épouse la veille de son concours et nous nous sommes mariés pendant son internat. Dès notre rencontre, j'avais commencé ma vie professionnelle sur Paris et en était pleinement satisfait. Que se serait il passé si elle m'avait annoncé qu'elle souhaitait s'installer à Saint-Cirq-Lapopie ? Certes, la bourgade médiévale est charmante avec un intérêt certain : elle est au coeur des Causses du Quercy. Elle possède en outre un inconvénient indéniable, elle est au coeur des Causses du Quercy. Si j'avais été artisan, j'aurais pu m'imaginer un avenir là-bas, mais ce n'est pas le cas. Je pense sincèrement que notre couple n'y aurait pas survécu.
Mais alors pourquoi a-t-elle fait cette proposition ? Je vois trois possibilités : 
  1. Elle est totalement incompétente. J'ai du mal à m'y résoudre. On m'a toujours dit que c'était une bosseuse qui maîtrise ses dossiers et j'ai la faiblesse de le croire (vu la concurrence sur le poste, ce n'est pas qu'une question de parité).
  2. Elle veut éviter l'affrontement frontal avec les médecins et souhaitent prendre à témoin l'opinion publique qu'elle tend la main au médecin (d'après les échos que j'ai lu, le Zone Interdite d'hier semble avoir été édifiant). L'opinion déjà échaudée par l'histoire des dépassements d'honoraires comprendrait mal que la corporation médicale ne souhaite pas faire d'effort en période de crise
  3. Elle donne aux médecins (surtout les anciens) des gages qu'elle ne touchera pas à la sacro-sainte liberté d'installation en proposant une mesure incitative qu'elle sait inefficace. Tant pis pour l'accès aux soins.
(Si vous voyez une autre raison, je suis preneur)
Le problème avec ce genre de situation, c'est qu'elle montre bien la difficulté de réformer le système de santé (surtout quand on traite avec les médecins). Les incitations ne marchent pas (entre autre pour les raisons évoquée plus haut). Dans le cas présent, il ne faut pas prendre le médecin comme individu seul, mais prendre en compte son environnement proche (famille, enfants...).
Les contraintes ne marchent pas non plus. Parce que les médecins n'en veulent pas et se battent contre (et ce n'est pas forcément les plus concernés qui sont les plus opposés). Pourtant, je ne crois pas plus en la capacité d'autorégulation des médecins qu'en celle des banquiers. Il faudra bien que quelqu'un s'y colle un jour.
La critique est facile, j'en conviens, surtout que l'Art est, pour le coup, très très difficile. Notre système de santé a été construit en 1945 selon les attentes du moment. Chaque acteur de ce système de santé a pris sa place sur les bases de ce consensus et s'est mis à jouer sa partition. Changer la partition des uns, impactera forcément celle des autres, ce qui ne leur plait pas forcément. Le soliste n'appréciera pas rentrer dans le rang et il faut que chacun retrouve sa place tout en permettant que la musique soit mélodieuse.
Le Politique doit peser de tout son poids, faut il encore qu'il fait une vision d'ensemble et d'avenir.
Mais ca ne m'a pas l'air gagné

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