jeudi 10 janvier 2013

La prescription de pilules 3G : à qui la "faute" ?

Pour être très franc, la tournure que prend la polémique « Pilule 3G » me déplaît fortement car non seulement nous nous laissons entraîner doucement vers l’irrationalité mais aussi vers le règlement de compte. Pour clarifier le point de vue et éviter toutes mauvaises polémiques, je ne remets pas en cause le risque accru (relatif) d’accident vasculaire lié aux pilules de 3ème génération mais le traitement médiatique de ce « scandale sanitaire ».
Dans son dernier billet, Marc Zaffran a publié une diatribe et désigné les coupables de ce scandale avant même que nous ne sachions de quoi souffrent les victimes. Ce billet est une synthèse assez fidèle à ce qui se dit, par ailleurs, sur les réseaux sociaux.
Tout y est, les bons et les méchants.
Du côté des bons, on trouve les femmes en colère car on ne les écoute pas, celles à qui l’on impose la contraception sans être correctement informée par leur médecin.
Du côté des méchants, les médecins incapables de se remettre en cause, paternalistes et dogmatiques. Enfin, pas tous les médecins non plus, les spécialistes qui ne se tiennent pas au courant de l’actualité médicale autrement que par le biais (dans tous les sens du terme) de l’industrie pharmaceutique et gros prescripteurs de pilules de 3ème génération. Et puis il y a les médecins généralistes qui sont les seuls à vraiment s’engager auprès de la patiente pour sa contraception vu que les gynécologues préfèrent s’intéresser aux activités plus lucratives, tels que la procréation médicale assistée (PMA).
Je pourrais être en phase avec l’ensemble du billet de Winckler s’il n’était pas aussi caricatural et si l’attaque à l’encontre des médecins spécialistes n’était pas aussi gratuite.  
Car au final, quelles sont les preuves qu’un gynécologue soit plus sous influence de l’industrie pharmaceutique qu’un médecin généraliste ? Quelles sont les preuves qu’un médecin généraliste lit davantage la littérature anglo-saxonne qu’un médecin spécialiste ? (D’autant que pour ce dernier point, le précédent des THS montre que la littérature anglo-saxonne n’est pas forcément pertinente). D’où viennent les preuves donc ? De son expérience personnelle ? De celles de confrères généralistes fiers de leur indépendance ? La collection d’anecdotes subjectives ne fait pas figure de preuves.  C’est toujours facile de mettre en avant les conflits d’intérêt des autres pour disqualifier son action. Faut-il s’interroger sur ses propres conflits d’intérêt qui ne sont pas obligatoirement de nature financière ou industriel. Les prises de positions idéologiques ou les corporatismes professionnels - si fréquents dans le domaine de la santé ... - semblent des conflits d’intérêts tout aussi délétères à l’intérêt général.
D'autant que l'on peut se demander à qui est dû l'augmentation des prescriptions de pilules 3G. En lisant le rapport de réévaluation des contraceptifs de 3ème génération, publié par l'HAS en juin 2012, on trouve dans les annexes un tableau assez intéressant (p26). Tout d'abord, on voit qu’en 2011, les pilules de 3ème génération sont à 45% prescrits par des médecins généralistes contre 37 % en 2009. Sur la même période, les prescriptions de 3G ont progressé de 17%. Les médecins généralistes contribuent à hauteur de 15 points. Un peu beaucoup pour une pilule de spécialiste, non ? Pourquoi ce poids plus important dans la prescription ? Est-ce suite à un désinvestissement des spécialistes, une banalisation du produit qui arrive sous la plume du généraliste ? Un manque de conviction de la part des généralistes qui n'osent pas remettre en cause la prescription du spécialiste en renouvelant le traitement ? Difficile de conclure avec précision. Cependant, cela relativise une différence généraliste/spécialiste.
Je lis aujourd'hui que la FMF porte plainte contre l'ANSM, que la secrétaire générale du CNGOF se dédouane en disant que les médecins ne savaient pas alors que Dominique Dupagne dit que les effets sont connus depuis longtemps. Je ne sais plus que penser.
En dénonçant les autorités de santé, en se dénonçant entre eux comme cela, est ce que les médecins ne sont pas en train de se tirer une balle dans le pied ?
S'ils sont aussi sensibles à l'influence de l'industrie pharmaceutique, s'ils plaident l'ignorance à quoi cela sert de leur laisser la liberté de prescription ?
Pardonnez cette provocation, mais avant de chercher des coupables, il faudrait déjà savoir de quoi on parle. Laissons la justice suivre son cours, car le terrain est maintenant judiciaire et gardons en tête que derrière ces échanges de communiqué, il y a des femmes qui s'inquiètent. Et s'il y a une vague d'IVG comme en Angleterre en 1995, ce sera la faute à qui ?

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