Il y a 62 ans qu'André et Huguette sont mariés. Ça en fait un paquet d'années partagées.
Comme tous les couples ils ont traversé des joies et des peines, mais ils les ont traversé ensemble. Toujours à se soutenir l'un l'autre.
Ils ont eu 8 enfants ensemble, qu'Huguette a élevé quasiment seule d'une poigne d'acier tout en faisant des ménages pendant qu'André parcourait les routes de France pour nourrir sa famille.
Aussi il y a 6 ans quand ils ont appris qu'André avait un cancer de la prostate ils ne se sont guère souciés. Ils allaient affronter ça ensemble comme toujours et puis le cancer de la prostate ça se guérit facilement non?
Non.
Après 6 ans de traitement, de bonnes et de mauvaises nouvelles, de désillusions diverses, André se meurt.
Mais avant ça il y a eu le long parcours des traitements et la lente dégradation de son état de santé.
Un jour André n'a plus pu monter dans la baignoire sans danger ni conduire, puis plus pu monter les marches de l'escalier pour rejoindre leur chambre et il n'a plus réussi à s'habiller seul, après ce sont les déplacements dans la maison tout court qui sont devenus compliqués.
André est tombé, plusieurs fois. Il a été hospitalisé souvent suite à ses chutes.
Quand cette spirale a commencé, au tout tout début, André a fait promettre à Huguette que jamais elle ne le mettrait en maison de retraite.
Huguette, qui a élevé quasi seule ces 8 enfants et pense pouvoir tout gérer, a promis.
Sans forcément prendre la mesure de la promesse qu'elle faisait, comme toutes ces familles qui font ou feront la même un jour.
On ne réalise pas, ou ne veut pas réaliser, le poids physique et psychique extrême que la dépendance d'un proche induira sur nous quand nous serons en situation d'aidants familiaux.
Pour son crédit Huguette n'a pas renié sa promesse - comme d'autres à sa place finissent souvent par le faire - et elle a gardé son mari à la maison, gérant chaque augmentation de la dépendance de celui-ci en bricolant entre ses enfants, son médecin généraliste, les infirmières de son village, les auxiliaires de vie et les séjours à l'hopital.
Elle a transformé le salon en chambre en bas des marches d'escalier, a fait aménager une douche sans marche dans un coin de la buanderie, a fait la toilette au gant, a acheté des protections, s'est levée la nuit, a écrasé des bananes tous les matins, etc...
Quand je vois Huguette, elle me considère un peu comme sa dernière chance et elle me le dit.
Ce qu'Huguette espère de moi, c'est enfin un soutien pour qu'elle réalise son projet : celui de ramener son mari chez eux, pour qu'il y meurt tranquillement et qu'elle reste à ses côtés.
Ce qui me frappera dans ce que me dira Huguette c'est que tout au long de ces années où son mari s'enfoncera et où elle-même s'avancera dans l'âge, pas un seul soignant ne la soutiendra dans son projet de garder son mari avec elle. Souvent en partant d'un bon sentiment, celui de considérer que c'est un poids trop lourd pour elle et qu'elle doit s'en décharger. Jamais en écoutant ce qu'elle dira de ce qui la pousse à garder son mari malgré toutes les difficultés.
Alors Huguette doit faire face de façon de plus en plus insistante voire péremptoire aux demandes pour qu'elle place son mari.
Huguette a bien conscience de toute la difficulté de l'entreprise mais malgré le poids que cela représente, Huguette ne supporte pas l'idée de placer son mari. Oui ça la soulagerait mais elle y penserait le jour et la nuit, qu'il est là-bas, qu'elle n'y est pas pour lui tenir compagnie et s'occuper de lui, pour surveiller comment on s'en occupe.
Et Huguette a bien conscience - a raison - que son mari déjà fragile serait complètement chamboulé par ce nouveau lieu et ces nouvelles personnes inconnues.
Ce que réclame Huguette c'est une autre solution.
Et ces solutions elles existent.
Dommage qu'il ait fallu qu'elle arrive désespérée jusqu'à moi pour qu'on les lui propose.
L'enfer est pavé de bonnes intentions.
Sans forcément prendre la mesure de la promesse qu'elle faisait, comme toutes ces familles qui font ou feront la même un jour.
On ne réalise pas, ou ne veut pas réaliser, le poids physique et psychique extrême que la dépendance d'un proche induira sur nous quand nous serons en situation d'aidants familiaux.
Pour son crédit Huguette n'a pas renié sa promesse - comme d'autres à sa place finissent souvent par le faire - et elle a gardé son mari à la maison, gérant chaque augmentation de la dépendance de celui-ci en bricolant entre ses enfants, son médecin généraliste, les infirmières de son village, les auxiliaires de vie et les séjours à l'hopital.
Elle a transformé le salon en chambre en bas des marches d'escalier, a fait aménager une douche sans marche dans un coin de la buanderie, a fait la toilette au gant, a acheté des protections, s'est levée la nuit, a écrasé des bananes tous les matins, etc...
Quand je vois Huguette, elle me considère un peu comme sa dernière chance et elle me le dit.
Ce qu'Huguette espère de moi, c'est enfin un soutien pour qu'elle réalise son projet : celui de ramener son mari chez eux, pour qu'il y meurt tranquillement et qu'elle reste à ses côtés.
Ce qui me frappera dans ce que me dira Huguette c'est que tout au long de ces années où son mari s'enfoncera et où elle-même s'avancera dans l'âge, pas un seul soignant ne la soutiendra dans son projet de garder son mari avec elle. Souvent en partant d'un bon sentiment, celui de considérer que c'est un poids trop lourd pour elle et qu'elle doit s'en décharger. Jamais en écoutant ce qu'elle dira de ce qui la pousse à garder son mari malgré toutes les difficultés.
Alors Huguette doit faire face de façon de plus en plus insistante voire péremptoire aux demandes pour qu'elle place son mari.
Huguette a bien conscience de toute la difficulté de l'entreprise mais malgré le poids que cela représente, Huguette ne supporte pas l'idée de placer son mari. Oui ça la soulagerait mais elle y penserait le jour et la nuit, qu'il est là-bas, qu'elle n'y est pas pour lui tenir compagnie et s'occuper de lui, pour surveiller comment on s'en occupe.
Et Huguette a bien conscience - a raison - que son mari déjà fragile serait complètement chamboulé par ce nouveau lieu et ces nouvelles personnes inconnues.
Ce que réclame Huguette c'est une autre solution.
Et ces solutions elles existent.
Dommage qu'il ait fallu qu'elle arrive désespérée jusqu'à moi pour qu'on les lui propose.
L'enfer est pavé de bonnes intentions.