vendredi 9 novembre 2012

Pourquoi la prévention ne prend pas en France ?

Dans un précédent billet, Shae s'interrogeait sur les raisons qui faisaient que la France n'était pas très active en matière de prévention. C'est un sujet complexe qui est trop souvent traité sous l'angle de la responsabilité de tel ou tel acteur, ce qui est assez facile et souvent faux.

Et d'abord, c'est quoi la prévention ?

C'est une notion qui recouvre plusieurs réalités. L'OMS a définit plusieurs niveaux de prévention : 
  • La prévention primaire qui vise à réduire l'apparition de nouveaux cas (son incidence). Elle regroupe les actions en amont de la maladie (ex. la vaccination)
  • La prévention secondaire qui ambitionne de réduire le développement d'une maladie (sa prévalence)
  • La prévention tertiaire qui cherche à limiter les conséquences de la maladie (l'incapacité) ou les rechutes afin de préserver le capital santé du patients
  • la prévention quaternaire qui évite les actes médicaux inutiles (la surmédicalisation)

Pourquoi faire de la prévention ? 

Bien sûr, la prévention est intéressante pour réaliser des économies dans les dépenses de santé car comme le dit la sagesse populaire "Il vaut mieux prévenir que guérir" (ce qui se retrouve dans les études, demandez à Shae). Elle permet aussi de préserver le bien être de la population en lui évitant la maladie. Elle permet également de préserver les intérêts de la Nation en limitant l'impact économique des maladies
Au final, je résumerais la problématique évoquée en une question : 

Qui a intérêt à ce que la prévention se développe ?

J'aurais tendance à dire personne. (il y aurait bien l'industrie pharmaceutique, mais il y a là, l'objet d'un billet à part entière).
Vous allez me répondre que l'Assurance Maladie a intérêt à faire de la prévention pour équilibrer ses comptes et vous avez raison. Depuis la réforme Douste Blazy de 2004, notre chère Ameli ne se contente plus de rembourser nos feuilles de soins. Elle fait également de la gestion du risque : c'est à dire qu'elle cherche à rationaliser la prise en charge médical pour éviter les dépenses inutiles (ou rationner, cela dépend du point de vue). Le grand avantage qu'a Améli, c'est qu'elle peut se permettre réfléchir sa prise en charge à long terme. Nous sommes obligés de passer par elle pour nos remboursement. En comparaison, aux USA, l'adhésion à une HMO dépasse rarement les 2 ans. Ces gestionnaires de soins ne sont pas assuré de profiter pleinement du fruit de leur action.
Cependant, il faut bien reconnaître que le roi est nu, il ne peut rien sans l'action des acteurs du système de santé (médecin, pharmaciens...). Sans la participation active de ces acteurs, aucune politique (réelle) de prévention ne peut être mise en place. Et c'est là où le bât blesse car aucun acteur n'a intérêt à mettre en place une telle politique.
Quand je dis qu'un médecin ou un pharmacien (pour ne citer qu'eux) n'a pas d'intérêt à faire de la prévention, ce n'est pas un jugement moral, éthique ou autre. Je dis juste que rien dans le système de santé français n'incite à le faire que cela soit d'un point de vue déontologique (la pratique médicale est au service du patient avant d'être au service de la santé publique) ou d'un point de vue économique (Un médecin libéral et les paramédicaux libéraux (infirmière, kiné...) sont rémunérés à l'acte et chaque acte correspond à un montant donnée. Le pharmacien d'officine est rémunéré à la boite de médicament).
Notre système de santé est structuré par un ensemble de règles déontologiques, économiques, légales qui sont le fruit d'une histoire. Les acteurs sont encastrés dans ce système et il peut être difficile de s'en extraire  (cela dit, il y aura toujours des exemples individuels qui me contrediront).
Le principal vecteur de motivation, il faut le dire, c'est la rémunération et ce n'est pas parce que vous êtes professionnel de santé que vous n'avez pas de factures à payer à la fin du mois. Si l'activité prévention est mal rémunérée, vous vous tournerez préférentiellement vers des activités plus lucratives (sans forcément chercher le profit maximum). En France, on sort difficilement de la "logique de l'acte" et même si l'on voit apparaître des rémunérations forfaitaires, il est encore un peu tôt  pour tirer quelques conclusions que ce soit.
La morale de cette histoire, c'est que si l'on veut chercher une raison pour expliquer la difficulté de mise en place d'une politique de prévention au sein de notre système de santé, il faut peut être chercher directement du côté de l'organisation du système lui même et pas du côté d'une éventuelle responsabilité d'une corporation en place.

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