mercredi 12 décembre 2012

Dépistage du cancer du sein? Choisir n'est pas si facile


Octobre est toujours accompagné des polémiques autour du dépistage du cancer du sein mais jamais dans les proportions vues cette année. Sans doute parce que jusque là celles-ci restaient confinées dans "les cercles spécialisés" et que cette année elles se sont étalées à travers tout le web.
Octobre rose est donc passé sans que je trouve le temps de me faire mon avis sur le dépistage organisé du cancer du sein (DOCS) ni d'écrire sur ça. Cela dit, ça tombe bien car, entre temps, l'INCa (Institut National du Cancer) a publié ses conclusions sur les aspects éthiques du dépistage organisé du cancer du sein.
Et je dois dire que j'aime vraiment beaucoup ce qu'ils y ont écrit aussi je vous encourage vivement à le lire (ou à défaut la synthèse si vous n'avez pas envie de vous cogner les 84 pages).
Je trouve intéressant que l'INCa ait décidé de quitter le domaine de l'analyse et de la compilation des études internationales autour du cancer, quitter le domaine des statistiques et des chiffres promenés dans tous les sens, pour s'aventurer sur le terrain de la réflexion autour du cancer du sein, de son dépistage, de l'organisation et surtout de la place de la patiente et de son choix mais aussi de l'impact de celui-ci vis à vis de la société.

Les pistes de réflexions évoquées dans l'INCa vont bien au delà du champ du cancer et s'adressent bien plus à la santé en général. Celle-ci par exemple me tient particulièrement à cœur :
"l'éducation de la population aux questions de santé pour évoluer d'une position de "consommateurs" capricieux qui réclament qu'on satisfasse ses requêtes à celle de co-décideurs." 
Je milite personnellement pour que les patients ne soient pas seulement informés mais aient aussi un vrai sentiment de contrôle de leurs soins. La loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades (la loi Kouchner) a offert des droits aux patients, il serait peut être temps de leur rappeler qu'ils ont également des devoirs. Malheureusement, ce n'est pas non plus si simple que ça. Il y a des gens qui ne veulent pas savoir, qui ne veulent RIEN savoir, qui ne veulent pas être actifs, qui se contentent de "faire confiance aux médecins". Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités dit l'adage, pas sûr que la population générale soit prête à assumer la grande responsabilité qui accompagne sa demande de ce pouvoir.

J'espère - sans trop y croire - que les pistes de réflexion abordées dans ce document diffuseront largement dans le milieu.

J'ai aimé surtout voir rappelé avec force dans cette réflexion de l'INCa quelques éléments essentiels qui n'ont pas assez été mis en lumière à mon avis dans le débat agité autour du DOCS au mois d'octobre :
  • oui il y a des sur-diagnostics mais à l'heure actuelle il est impossible de prédire si une lésion évoluera rapidement ou n'évoluera pas. Les tests génétiques pourraient changer la donne mais pour l'instant ... je crois que c'est important de le préciser au même titre que de parler du risque de sur-diagnostic.
  • revoir les procédures de classifications des lésions notamment les ACR3 qui seraient trop peu utilisés par les radiologues afin de se couvrir et les choix thérapeutiques concernant ces lésions incertaines avec la mise en place éventuel d'un suivi approfondi (quid des risques induits par une exposition aux rayons X tous les 6 mois par exemple?).
J'ajouterai qu'il ne faut pas non plus tout confondre et mélanger. Parler des risques du dépistage en évoquant le fameux triptyque chirurgie-chimiothérapie-radiothérapie c'est faire un raccourci simpliste et terrifiant entre le dépistage et les traitements mis en place contre le cancer qui risque d'angoisser exagérément les femmes invitées à participer au dépistage.
Le dépistage n'implique pas la découverte d'une lésion suspecte dans tous les cas (heureusement) ni la mise en place automatique de la totalité de ces traitements.


Enfin j'aimerais conclure en disant que bien avant la lecture du document de l'INCa - qui a aussi le mérite de l'évoquer -, lors d'une conversation avec le binôme de ce blog, il avait soulevé ce point éminemment intéressant (à côté duquel j'étais complètement passée à côté, enfermée comme je suis dans une vision du monde de la santé au niveau de l'individu) et trop peu souvent évoqué dans le débat de savoir jusqu'à quel point la société doit supporter le coût financier d'un choix individuel.
En l’occurrence refuser de se faire dépister expose à une découverte beaucoup plus tardive du cancer et donc à des traitements plus lourds et coûteux pour combattre celui-ci.
Comment concilier l'intérêt de chacun avec l'intérêt général sans remettre en cause la liberté de choix?
Je sais que l'irruption de la question des moyens financiers et de la responsabilité individuel de chacun en regard de la société paraîtra choquante - voire dangeureuse - pour pas mal de personnes mais je trouve intéressante que l'INCa ose la poser (sans y apporter de réponse d'ailleurs) et je crois que les médecins - je sais pour l'avoir vu qu'ils commencent - et les patients doivent aussi s'en emparer.


Merci au binôme pour son assistance éclairante dans la rédaction de ce billet

4 commentaires:

  1. "En l’occurrence refuser de se faire dépister expose à une découverte beaucoup plus tardive du cancer et donc à des traitements plus lourds et coûteux pour combattre celui-ci."

    Sources? Preuves?

    Bon, vous êtes pour le dépistage, on a compris. Mais il manque des arguments. C'est pauvre, pire que ça, c'est ... nauséeux.

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  2. "La notion de dépistage et de prévention fait toujours débat, souvent pour de mauvaises raisons."

    Lesquelles, s'il vous plait?

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  3. " La loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades (la loi Kouchner) a offert des droits aux patients, il serait peut être temps de leur rappeler qu'ils ont également des devoirs. "

    Lesquels?

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    1. Je fais une réponse groupée aux trois commentaires.
      Il semblerait que vous ne soyez pas d'accord avec les propos de ma camarade. C'est votre droit, mais un peu plus de détail serait le bienvenu (surtout lorsqu'on exhume un vieux billet :-) ).
      Le traitement précoce d'un cancer est préférable. Cela peut même s'étendre à l'ensemble des pathologies. Plus le traitement est précoce, moins la maladie est évoluée donc plus simple à traiter. Je dirais bien que c'est un principe de base de la médecine, mais j'ai peur que vous me demandiez des preuves :-)
      L'organisation de campagnes de prévention pose souvent des problèmes (je vous invite à lire ce billet http://blog.cube-sante.com/2012/11/pourquoi-la-prevention-ne-prend-pas-en.html
      Pour la référence à la loi Kouchner, je crois que les devoirs sont évoqués dans le billet. Vouloir être co-responsable dans la prise en charge de sa maladie implique d'être un minimum... responsable et de ne pas de "défausser" lorsqu'on fait fasse à une information qu'on ne souhaite pas connaitre

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