dimanche 3 mars 2013

Bon ben ... salut!

Quand il rentre dans la chambre, il ne la regarde même pas.
Il me regarde moi droit dans les yeux ... mais surtout pas sa mère dans le lit à côté. Quand il détourne les yeux de moi il regarde au dessus, en dessous, à droite, à gauche. N'importe où. Sauf là.
Là où elle, elle est.
C'est tellement évident qu'il fait tout pour ne pas la regarder que j'ai l'impression que la réalité a été découpée là où elle se trouve, qu'en fait elle n'est pas là et que c'est pour ça qu'il ne la regarde pas.

Mais elle y est bien.
Et son regard à elle implore que son regard à lui se pose enfin sur elle. Lui reconnaisse d'exister, d'être là, et d'être là malade, allongée dans un lit d’hôpital.

Il lui ramène son ordinateur, le pose dans un coin en disant qu'il est réparé. Juste quelques mots, deux phrases au pire et puis "bon j'y vais". Il ne doit pas être rentré dans la chambre depuis plus d'une minute.
Sa mère ne réprime pas un "déjà?" et j'ajoute rapidement que j'avais fini et qu'il peut rester.
Mais non il s'en va quand même, en disant qu'il rentre chez son père. Comme si ça justifiait qu'il ne reste pas 5 minutes de plus.
Il part sans dire au revoir, sans l'embrasser, sans dire quand il reviendra, sans lui demander comment elle va.
Il ne l'a pas touché une seule fois des yeux. Pas une seule fois physiquement non plus.
Le rejet qu'il exprime envers sa mère et sa maladie me laisse tétanisée.

Sa mère ne dit rien. Pas un hoquet, pas un pleur, pas une plainte, pas un hurlement.
Pourtant quand elle me regarde, je lis dans ses yeux toute la douleur d'une mère rejetée par son fils parce qu'elle n'est pas celle qu'il voudrait avoir.
Ou dans sa tête à lui ... déjà morte.

2 commentaires:

  1. Une façon de se protéger? J'ai déjà expliqué à ma famille que je n'irai plus jamais voir quelqu'un en soins intensifs, j'ai été voir ma tante juste après sa rupture d'anévrisme, c'était pas elle, c'était une vieille femme amorphe et incohérente aux cheveux blancs, je l'ai pas reconnue. Elle est morte 3 jours après, j'ai regretté d'être allé la voir, je garde ce souvenir d'elle, ça a effacé le reste.
    C'est douloureux pour la personne malade, mais c'est peut-être au-delà des forces de son visiteur.
    Comment les proches sont-ils accompagnés là-dedans? Comment savoir se comporter face à la maladie? Est-ce qu'il y a des cours pour ça? Comment savoir si se mettre à pleurer devant le malade n'est pas plus nocif ("je sais que tu vas mourir et ça me dévaste") que de tenter de refouler ses émotions pour ne pas déprimer encore plus la personne en face?

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    1. Il n'y a pas une seule et bonne façon de faire, il y a souvent que les familles font comme elles peuvent en fonction de l'histoire et des relations entre chacun. Les familles sont accompagnées (plus ou moins, plus ou moins bien) par les équipes, parfois il y a des associations qui permettent de soutenir aussi.
      Néanmoins je commence à en avoir vu un paquet de famille, et là vraiment ça m'a marquée.

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