"Si j'avais su que je vivrai si vieux..." murmure-t-il doucement perdu dans ses pensées.
C'est vrai que le compteur d'années de Raymond commence à afficher un numéro plutôt élevé.
Mais on sait tous les deux qu'il n'ira guère plus loin.
"Mon petit fils a eu 18 ans aujourd'hui, ça y est il est majeur" ajoute-t-il.
"A mon époque la majorité c'était 21 ans ... (silence) Enfin moi à 18 ans j'étais au maquis. Et j'avais déjà vu 7 de mes copains mourir dans des embuscades".
Je suis souvent émue par ces petits fragments de vie que j'ai l'occasion d'entre-apercevoir dans l'exercice de mon métier. De ces petites anecdotes dont la portée est souvent minimisée par ceux qui l'ont vécu, de ces moments où la petite histoire croise la Grande.
J'aime en être la dépositaire, comme une petite marque de confiance. Comme un rappel aussi que si aujourd'hui je connais la sécurité et la prospérité c'est grâce à eux que je le dois.
Mais je regrette surtout l'idée que ces fragments de mémoire disparaissent avec ceux qui ont vécu ces instants.
Je me souviens toujours avec émotion d'un reportage qui montrait une biographe permettant aux personnes en fin de vie au sein du service d'onco-hémato de l’hôpital de Chartres de raconter leur vie afin d'en tirer un livre. Le livre de leur vie.
J'aimerais que ce soin de support se développe, car je crois que - même si comme Raymond tout le monde n'a pas vécu des choses à ce point rares et tragiques - chaque vie est extraordinaire et mérite d'être transmise.
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