J'ai annulé tout ce que je devais faire ce week-end. Tous les gens que je devais voir.
Je sens que je ne peux pas voir qui que ce soit, écouter qui que ce soit, consacrer de l'énergie à qui que ce soit.
J'ai juste envie de solitude, de silence, de livres, de cuisiner. J'en ai un besoin viscéral. Comme pour recharger les batteries pour mieux repartir lundi. Comme pour me reconstruire, ré-assembler les morceaux, retrouver une unité. La mienne.
Je suis gavée des autres, des mots des autres, des problèmes des autres, du stress des autres. J'étouffe sous leurs poids.
Et j'en ai assez de courir partout. Besoin de me poser.
Alors j'ai tout annulé.
Pas la peine d'hurler que je m'isole du monde - j'admets que c'est complètement ça - et que c'est mal, je commence à me connaître je sais que c'est ce dont j'ai besoin là maintenant.
Mon unique pas vers les autres ce week end - au delà des contacts numériques qui ont le mérite d'atténuer l'impact des autres et de leurs émotions sur moi - sera d'appeler mes proches qui vivent loin de moi. Étrangement je ressens le manque d'eux, de leur voix. De leurs mots.
Il y a peu je lisais un article qui parlait de la "fatigue de compassion". Ce truc qui bouffe les intervenants des milieux de la santé ou du social confrontés quotidiennement à la souffrance, au stress, aux émotions intenses des autres.
Article canadien. Sur bien des aspects nos amis de la Belle Province sont bien plus en avance que nous. En tout cas en France c'est la première fois que j'en entendais parler.
Je crois que je suis dans ça depuis quelques jours : la fatigue de compassion.[pdf]
Disparue la compassion - et pourtant j'en ai un paquet je crois -, disparue la patience, bienvenue l'envie de mordre, d'hurler, de pleurer de rage ou de détresse impossible à savoir.
Disparue la résilience, la capacité à dépasser les douleurs des autres, les souffrances des autres.
La fatigue de compassion ... comme un syndrôme post-traumatique de contact.
Dans l'article que je lisais ils disaient que c'était différent du
burn-out même si les deux peuvent se trouver conjointement chez une même
personne, de ce que j'ai pu lire sur le net, la distinction est moins clair pour tout le monde.
L'article citait cette phrase aussi "there is a cost to caring"[pdf].
Oh oui il y a un coût.
Un coût élevé même.
Un coût qu'on ne mesure pas, auquel on n'est pas préparé quand on démarre dans ce milieu plein de ses illusions et de la croyance qu'on peut tout dépasser, tout surmonter.
Des morceaux de soi - plus ou moins gros - qu'on laisse, de l'énergie qu'on donne.
Je dis souvent que je peux tout entendre, tout comprendre, même le pire.
Je crois sincèrement pouvoir le faire.
Mais pas ce week-end.