lundi 3 septembre 2012

Personnes handicapées, personnes en situation de handicap, same same but different?

A première vue on peut se demander en quoi parler de "personnes en situation de handicap" plutôt que de "personnes handicapées"change la donne.
En quoi on est plus que dans le débat sémantique subtil.

Et pourtant ...


Commençons par le commencement, le handicap c'est quoi?
Réponse difficile, très difficile sur laquelle de nombreux auteurs se sont cassés les dents comme le rappelle l'université de Nancy.

La loi de 2005 pour l'égalité des droits, des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (nb : notez que même le législateur parle de "personnes handicapées" et non de "personnes en situation de handicap", mais ça date de 2005 déjà ...) le définit ainsi : Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant.

Personnellement j'aime assez le début de la définition de la page Wikipédia sur le sujet (oui je sais bonjour la référence) qui dit qu'il s'agit d'une limitation des possibilités d'interaction d'un individu avec son environnement, [causée par une déficience provoquant une incapacité, permanente ou non, menant à un stress et à des difficultés morales, intellectuelles, sociales et/ou physiques].

Oui ces concepts sont influencés par l'approche anglo-saxonne du sujet pour qui c'est la société qui met en situation de handicap et non le fait de la personne qui en est porteuse.
Mais le mot lui même étant d'origine anglaise, ça parait être un juste retour des choses. 

Le modèle de Wood - complété et modifiée en 2001 pour devenir le CIF (moins intuitivement compréhensible, explications complètes ) - qui a été le premier modèle conceptuel (donc forcément imparfait et incomplet) du handicap utilisé par l'OMS indique et permet de comprendre ce que les anglo-saxons nuancent entre déficience et handicap ainsi que l'impact de la vie sociale sur tout ça :

Trouvé







































































































Prenez une personne porteuse de lunettes. Myope, astigmate, peu importe.
Cassez lui toutes ses paires de lunettes. Perdez lui ses lentilles. Et imaginez sa vie sans. Ne serait-ce qu'une journée.
Ne sera-t-elle pas considérablement gênée dans les actes de la vie quotidienne?
Elle ne pourra plus conduire, pour peu que sa correction soit importante un minimum et suivant le métier qu'elle exerce elle risque d'être bien embêtée pour continuer à travailler comme avant, ses déplacements dans les transports en commun seront au minimum plus long - si elle ne connait pas le trajet par coeur et doit se reporter à la lecture de panneaux - voire impossible.
Porter des lunettes c'est le signe qu'on est porteur d'une déficience visuelle. Qu'on est déficient visuel. Léger certes.
Est-ce à dire que tous les porteurs de lunettes sont handicapés? Je ne crois pas.
Au quotidien pas de problème grâce à ces inventions merveilleuses qui permettent de palier la déficience : les lunettes.
Sauf que privé de celles-ci ...
La situation change ...


Personnes handicapées, personnes en situation de handicap, même combat?
Un exemple du pouvoir d'un simple changement sémantique, tiré de la fameuse loi de 2005 citée plus haut. Celle-ci instaure un droit à la scolarité quand jusque là il n'y avait qu'un droit à l'éducation. Quelle différence? Tout pour les parents qui peuvent maintenant opposer à l'éducation nationale l'obligation d'inscrire leurs enfants à l'école de leur quartier au lieu de les renvoyer systématiquement sur les Etablissements Médico-Sociaux comme c'était le cas avant. (Attention je n'ai pas dit que tout était parfait hein, je dis juste qu'un mot peut tout changer)

[nb : ça me rappelle cette histoire que j'avais vu passer sur Twitter d'un père à qui l'école avait répondu qu'on n'allait quand même pas bloquer une place pour sa fille atteinte d'une leucémie. Cette loi lui permet de se retourner contre l'école (et l'Etat?) je pense. J'explique le lien avec la santé plus loin.]


Bref, revenons à nos "personnes handicapées" vs "personnes en situation de handicap".

Prenez une personnes déficiente motrice qui se déplace en fauteuil roulant (manuel ou électrique peu importe). Pour peu qu'elle puisse conduire dans une voiture adaptée, que sa maison et son lieu de travail aient reçu les adaptations nécessaires pour qu'elle soit entièrement autonome, en quoi est-elle limitée dans ses interactions avec son environnement ou dans ses activités? En quoi est-elle handicapée?
En rien.
Par contre pour peu qu'elle doivent prendre les transports en commun, que ceux-ci ne soient pas adaptés avec les ascenceurs, les plateformes etc... adéquates, que les trottoirs de sa ville soient trop étroits et que la mairie et sa banque ne soit accessible que via 10 marches, elle va être mise en situation de handicap. Mais si on avait fait toutes les adaptations nécessaires, la situation (de handicap) n'aurait pas existé.
Voilà pourquoi on considère que c'est la société qui met les gens porteurs d'une déficience en situation de handicap.

Accessoirement dire "personnes en situation de handicap" c'est considérer que des actions sont possibles pour faire disparaître cette situation, pas la déficience, la situation de handicap ...

Quand on regarde bien je me dis qu'il s'agit aussi de lutter contre un usage abusif du grand public qui utilise l'expression "personnes handicapées" pour "personnes porteuses de déficiences". Sans se préoccuper de savoir si la personne est limitée dans ses activités. Ou pas.
Ca peut paraitre rien. Mais ne pas partir du principe qu'une personne porteuse de déficience(s) ne peut forcément pas faire la même chose qu'une personne valide, c'est un changement aussi important que quand on s'est mis à parler de PERSONNES handicapées au lieu d'handicapés tout court.


Et concrètement ça change quoi?
Le regard de la société. Au moins un peu. C'est déjà pas mal.
Ce n'est pas une formule magique qui va tout changer d'un coup et tout bouleverser. Faut pas se leurrer.
D'ailleurs je l'ai dit plus haut, on parle encore en majorité de "personnes handicapées" et pas de "personnes en situation de handicap".

Si c'est la société qui met en situation de handicap, c'est la société qui doit mener des actions pour que ça ne le soit plus.
De nombreuses villes en France ont compris ça et ont engagé des actions pour permettre aux gens porteurs d'une déficience de ne plus se retrouver en situation de handicap dans leur vie quotidienne.
L'université de Nancy dit à la fin du texte que c'est une question de philosophie et d'organisation de la cité.


Mais au fait ... quel rapport avec la santé?
Si vous avez bien lu la définition du handicap donnée dans la loi de 2005 vous devriez l'avoir compris. Sinon allez relire attentivement.
Depuis 2005, les personnes malades ("troubles invalidants de la santé") sont considérées comme pouvant relever du handicap. Jusque là elles en étaient exclues.

A ce titre elles peuvent contacter leur maison départementale du handicap,  obtenir le statut de travailleur handicapé (et donc des adaptations de leur poste de travail) voire des compensations.
Temporaires ou permanentes. C'est aussi le sens de cette loi, un handicap n'est plus considéré comme immuable. Il peut n'être subi que dans un temps donné et la situation réévaluée régulièrement.

Exemples?
- Suite à une ablation du sein droit et de la chaine ganglionnaire du bras droit, Mme Machin a un lymphoedème douloureux dès qu'elle travaille sur ordi comme elle le faisait avant, qu'elle porte ses courses ou qu'elle fait son ménage. Le handicap est réel non?
- Mr Truc a une tumeur sur le nerf optique qui altère sa vision et qu'on ne peut pas opéré. Mais quelques années après (progrès de la médecine toussa toussa) on la lui retire sans dommage.
- La petite fille atteinte d'une leucémie dont je parlais plus haut a le droit à une place dans son école comme la loi le lui prévoit.

J'admets ne pas savoir comment ça se passe concrètement sur le terrain et je reconnais que se voir accoler au mot "handicap" n'est pas accepté par tout le monde mais la possibilité existe.










































































































Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire