mardi 18 septembre 2012

Rester à sa place

Il y a peu, un collègue m'a fait sans s'en rendre compte l'un des plus beaux compliments - professionnels - qu'il puisse me faire.

Quand j'ai pris ce poste je savais que ça s'annonçait compliqué. On m'avait d'ailleurs annoncé que ça le serait, me promettant coups bas ou tordus et ego à caresser dans le sens du poil. A minima j'étais attendue au tournant et il m'a fallu m'imposer et faire ma place sans froisser.
Il faut croire que j'ai bien su négocier chaque virage car finalement les choses se sont beaucoup mieux passées que tout le monde - moi la première - s'y attendait. Pour tout dire, maintenant que j'ai un peu de recul, les choses se sont vraiment bien passées.

Mon collègue m'a confirmé la chose en m'avouant qu'il s'attendait aussi à ce que ça se passe mal et il a ajouté que les choses s'étaient bien passées essentiellement parce que c'était moi, que j'avais le don de déminer les situations compliquées et que je savais rester à ma place.

Je n'ai pas bien compris la dernière partie de sa réflexion sur le moment tellement ça me paraissait à la fois logique de rester à ma place et tellement parfois j'ai l'impression de dépasser un peu les bornes en osant secouer des gens peu habitués à l'être.


J'ai vraiment compris quelques jours plus tard.
En discutant avec une patiente elle me confie avoir arrêté tous les médicaments prescrits par le médecin. Je lui demande surprise pourquoi donc car ce n'est pas son genre de rejeter les décisions médicales prises. Et elle me dit qu'elle l'a fait sur les conseils d'une amie à elle, infirmière dans un autre établissement de soin, qui lui disait que tous ses médicaments risquaient de lui flinguer le coeur.
"Elle sait ce qu'elle dit elle est infirmière chef, elle a le niveau d'un docteur! Je sais pas bien ce qu'il avait en tête le docteur quand il m'a donné tout ça".
Je me suis retenue de hurler et j'ai demandé audit docteur de la voir. Vite. Non sans le prévenir qu'il y avait du boulot.

Je crois que c'est ça "ne pas rester à sa place". Je ne nie pas les compétences de cette infirmière ... en tant qu'infirmière! Mais elle n'est pas médecin et elle n'avait pas à faire arrêter brutalement un traitement.
Et je me suis dit que mon collègue avait effectivement raison, que ça se passait sans doute aussi bien parce que c'était moi.

Ma position est délicate c'est vrai. Pas soignante, pas administrative, un pont entre les deux. Quelqu'un vers qui les patients ont tendance à se tourner pour poser des questions (et obtenir des réponses). J'ai plus de temps que les médecins, je n'ai pas leur aura aussi, je dois paraître plus accessible. Mais je ne suis pas médecin et je fais bien gaffe de ne jamais critiquer leurs décisions. Je réexplique, j'informe, j'organise, j'essaye de répondre aux questions quand je suis sûre de ce que je dis sinon je renvoie sur les autorités compétentes mais je ne remets pas en cause. Je ne suis pas médecin, je ne me prends pas pour un médecin.
C'est mieux pour tout le monde. A commencer par les patients.

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