Si vous vous intéressez au domaine de la santé et que vous trainez sur l’Internet, vous l’aurez surement remarqué. Remarquer quoi ? Le manifeste "Médecine Générale 2.0" publié par 24 médecins blogueurs, bien sûr. Difficile de passer à côté tant la couverture médiatique de l'opération a été importante. Même Marisol Touraine, notre ministre de la santé, y est allée de son tweet pour saluer la démarche (Notons, au passage, que c'est la seconde fois qu'elle relaie une démarche provenant du web. Si j'étais syndicaliste, j'enverrais mes propositions sur son mur facebook).
Je trouve que cette démarche est remarquable car elle permet d'avoir un autre son de cloche provenant des médecins. Traditionnellement, c'est plutôt le Conseil National de l'Ordre des Médecins (CNOM) ou bien les syndicats de médecins (CSMF, SML, MG France...) que l'on entend parler dans le poste sur les sujets de la profession. J'ai beaucoup de respect pour ces vénérables institutions, mais il faut bien avouer qu'elles sont très masculines et plutôt grises au niveau des tempes. Quand on sait que les deux tiers des internes en médecine générale sont des femmes, on peut comprendre rapidement que les jeunes médecins ne s'y retrouvent pas forcément, voire pas du tout (quelques exemples sur le remplacement ou la liberté d'installation). Ce texte s'inscrit dans cette opposition aux " diverses structures officielles qui, bien souvent se contentent de défendre leur pré carré et s’arc-boutent sur les ordres établis ". A ma connaissance, c'est la première fois qu'il y a une opération de communication grand public de cette ampleur. Que l'on soit d'accord ou pas avec leur message, il faut reconnaître que cela apporte un peu de fraîcheur.
Si le sujet officiel de leur manifeste est la lutte contre les déserts médicaux, on sent qu'ils ont eu du mal à ne pas déborder et que le vrai sujet est la défense de la médecine générale contre l'hospitalo-centrisme de notre système de santé. Pendant les 9 ans d'études qu'il faut pour "fabriquer" un médecin généraliste, l'étudiant passe son temps à l'hôpital si ce n'est un stage de 6 mois dans un cabinet médical de ville en fin de cursus. Malgré quelques cours pour l'aider à affronter l'URSSAF et la comptabilité, vous obtenez, au final, un jeune médecin généraliste pas trop préparé à affronter les réalités (administratives) de son métier.
La situation s'est sensiblement améliorée en 2004 avec la réforme instituant la médecine générale comme spécialité. Outre la subtilité sémantique, cette réforme a permis une amélioration de la place de la médecine générale au sein des facs de médecine et de son attractivité. Cependant, il semble que peu de médecins généralistes formés souhaitent s'installer en libéral (si quelqu'un pouvait m'orienter vers une étude sur le sujet, je suis preneur).
Ce que le "groupe des 24" propose pour "rendre ses lettres de noblesse à la médecine "de ville" ", c'est tout simplement de "salarier le médecin libéral" au sein de Maisons Universitaires de Santé (MUst) qui ressemblent beaucoup à un "hôpital de ville".
Je ne reviendrais pas sur l'efficacité ou l'intérêt de leurs propositions, d'autres l'ont fait (vont le faire ?) et je ne pense pas avoir la légitimité pour parler d'un quotidien qui n'est pas le mien. Tout au plus je parlerais d'une extrême naïveté quant à la rapidité de mise en place de leur réforme ou sur les arcanes de l'âme humaine.
Il est un point qui m'a toutefois particulièrement frappé, c'est que malgré l'aspect innovant/décalé/iconoclaste de leurs propositions, ils s'arc-boutent sur les ordres établis : la santé est avant tout une affaire de médecins car qui mieux qu'un médecin peut parler des "réalités du terrain". Sauf qu'un système de santé étant un système, d'autres acteurs entrent en jeu et ils n'ont pas forcément le même point de vue que les médecins (généralistes de ville de surcroît). Pour la mise en place des MUst, de nombreux acteurs sont sollicités :
S'ils sont prêt à déléguer une (grande) partie de l'activité administrative à des secrétaires, d'anciens VM (si vous saviez à quel point un VM est réfractaire à l'administratif...), ils ne le sont pas pour déléguer des activités de soins à d'autres professionnels de santé. Un cabinet médical qui ferme, c'est la/les pharmacie(s) d'officine qui suit dans les 2 ans. Quelque soit la taille du MUst et son implantation, elle ne pourra couvrir l'ensemble du territoire déserté et éviter que les patients fassent de nombreux kilomètres pour se faire soigner. Alors autant profiter du maillage officinal ou de l'activité élargie de paramédicaux, mais ça, le club des 24 semble s'y opposer, tout comme le CNOM ou les syndicats.
Comme quoi, on peut avoir des idées innovantes et ne pas oublier d'où l'on vient.
Je trouve que cette démarche est remarquable car elle permet d'avoir un autre son de cloche provenant des médecins. Traditionnellement, c'est plutôt le Conseil National de l'Ordre des Médecins (CNOM) ou bien les syndicats de médecins (CSMF, SML, MG France...) que l'on entend parler dans le poste sur les sujets de la profession. J'ai beaucoup de respect pour ces vénérables institutions, mais il faut bien avouer qu'elles sont très masculines et plutôt grises au niveau des tempes. Quand on sait que les deux tiers des internes en médecine générale sont des femmes, on peut comprendre rapidement que les jeunes médecins ne s'y retrouvent pas forcément, voire pas du tout (quelques exemples sur le remplacement ou la liberté d'installation). Ce texte s'inscrit dans cette opposition aux " diverses structures officielles qui, bien souvent se contentent de défendre leur pré carré et s’arc-boutent sur les ordres établis ". A ma connaissance, c'est la première fois qu'il y a une opération de communication grand public de cette ampleur. Que l'on soit d'accord ou pas avec leur message, il faut reconnaître que cela apporte un peu de fraîcheur.
Si le sujet officiel de leur manifeste est la lutte contre les déserts médicaux, on sent qu'ils ont eu du mal à ne pas déborder et que le vrai sujet est la défense de la médecine générale contre l'hospitalo-centrisme de notre système de santé. Pendant les 9 ans d'études qu'il faut pour "fabriquer" un médecin généraliste, l'étudiant passe son temps à l'hôpital si ce n'est un stage de 6 mois dans un cabinet médical de ville en fin de cursus. Malgré quelques cours pour l'aider à affronter l'URSSAF et la comptabilité, vous obtenez, au final, un jeune médecin généraliste pas trop préparé à affronter les réalités (administratives) de son métier.
La situation s'est sensiblement améliorée en 2004 avec la réforme instituant la médecine générale comme spécialité. Outre la subtilité sémantique, cette réforme a permis une amélioration de la place de la médecine générale au sein des facs de médecine et de son attractivité. Cependant, il semble que peu de médecins généralistes formés souhaitent s'installer en libéral (si quelqu'un pouvait m'orienter vers une étude sur le sujet, je suis preneur).
Ce que le "groupe des 24" propose pour "rendre ses lettres de noblesse à la médecine "de ville" ", c'est tout simplement de "salarier le médecin libéral" au sein de Maisons Universitaires de Santé (MUst) qui ressemblent beaucoup à un "hôpital de ville".
Je ne reviendrais pas sur l'efficacité ou l'intérêt de leurs propositions, d'autres l'ont fait (vont le faire ?) et je ne pense pas avoir la légitimité pour parler d'un quotidien qui n'est pas le mien. Tout au plus je parlerais d'une extrême naïveté quant à la rapidité de mise en place de leur réforme ou sur les arcanes de l'âme humaine.
Il est un point qui m'a toutefois particulièrement frappé, c'est que malgré l'aspect innovant/décalé/iconoclaste de leurs propositions, ils s'arc-boutent sur les ordres établis : la santé est avant tout une affaire de médecins car qui mieux qu'un médecin peut parler des "réalités du terrain". Sauf qu'un système de santé étant un système, d'autres acteurs entrent en jeu et ils n'ont pas forcément le même point de vue que les médecins (généralistes de ville de surcroît). Pour la mise en place des MUst, de nombreux acteurs sont sollicités :
- les collectivités locales pour le foncier cédé gratuitement (pourquoi pas, mais s'il y a appel d'offre national qui gère ?)
- les Agences Régionales de Santé (ARS) pour la rémunération des médecins en transformant les honoraires perçus en salaire (cela aurait été trop simple qu'ils perçoivent directement les honoraires),
- l'Education Nationale pour le financement de l'enseignement,
- l'Hôpital pour la ponction d'internes (pour faire tourner les MUst, il faudrait 3 000 internes par an. En 2011, 3 300 internes ont choisi médecine générale et puisqu'ils proposent qu'un interne passe 2 semestres en MUst sur les 6 prévus, ça fait un tiers de chaque promo qui ne pourrait pas faire tourner les services hospitaliers, ce qui appelle une réforme de l'hôpital en profondeur).
- les internes ainsi que les jeunes diplômés qui iront s'enterrer respectivement deux fois 6 mois et 2 ans au milieu de nulle part (dans rappelons qu'à la base, il s'agit de lutter contre les déserts médicaux)
S'ils sont prêt à déléguer une (grande) partie de l'activité administrative à des secrétaires, d'anciens VM (si vous saviez à quel point un VM est réfractaire à l'administratif...), ils ne le sont pas pour déléguer des activités de soins à d'autres professionnels de santé. Un cabinet médical qui ferme, c'est la/les pharmacie(s) d'officine qui suit dans les 2 ans. Quelque soit la taille du MUst et son implantation, elle ne pourra couvrir l'ensemble du territoire déserté et éviter que les patients fassent de nombreux kilomètres pour se faire soigner. Alors autant profiter du maillage officinal ou de l'activité élargie de paramédicaux, mais ça, le club des 24 semble s'y opposer, tout comme le CNOM ou les syndicats.
Comme quoi, on peut avoir des idées innovantes et ne pas oublier d'où l'on vient.
Au moins une objection n'en est pas une : la ponction d'interne.D'ores et déjà et pour les années à venir l'hôpital doit faire face à un afflux d'internes et d'externes (ouverture du numerus clausus oblige). Les hospitaliers qui sont chargés de les former se plaignent déjà de la mauvaise qualité de l'enseignement que l'on peut délivrer quand il y a 6 externes et 4 internes dans une salle. On a redirigé ces étudiants en partie vers les cliniques privés ...Les MUSt rendrait donc plutôt un service.
RépondreSupprimerSinon à part les fautes d'orthographe la critique semble intéressante
Oui mais de là à "prélever" la moitié d'une promotion (2 semestres de MUst et 1 chez le prat'), ça commence à faire beaucoup (surtout si c'est pour la ville). Je ne sais pas si l'hôpital est prêt à ce sacrifice.
RépondreSupprimerMerci pour votre intérêt (et fautes corrigées :-) )
Je commencerai par votre dernière remarque.
RépondreSupprimerDans une première version du texte, nous parlions également des autres spécialités médicales. Nous y avons renoncé car nous avons considéré que le seul domaine pour lequel nous étions vraiment légitimes, c'était la médecine générale.
Il en va de même des autres professionnels de soins.
Pour autant, c'est quotidiennement que les 24 signataires échangent avec divers autres professionnels de santé, sur un pied d'égalité et dans un respect mutuel. Ceci démontre largement que, pour nous, la transversalité et l'interdisciplinarité sont des évidences.
Peut-être tellement évidents qu'elles ne nous paraissent même plus un objet de discussion.
Concernant l'évaluation sur des critères objectifs, Dominique Dupagne a abordé le sujet à de multiples reprises sur Atoute. Je me suis moi-même affronté à lui sur la question ( http://boree.eu/?p=1039 ) mais je suis aujourd'hui convaincu qu'il a pour l'essentiel raison.
Vous lirez avec profit "La revanche du Rameur". Voir aussi ce texte : http://www.desbons.com/2010/recovaleur/
Concernant la subrogation des honoraires perçus par les futurs CCUMG, franchement, que ce soit l'ARS ou n'importe qui d'autre, on s'en fout. En revanche, nous sommes convaincus que de proposer des postes salariés ou un statut libéral à des jeunes médecins pour aller irriguer les déserts médicaux, ça n'a RIEN à voir.
Percevoir des honoraires, c'est avoir un statut de profession libérale et, avec ça, vous n'arriverez à rien.
Enfin, concernant la "ponction sur l'Hôpital, je vous dirais de manière un peu provocatrice que ce n'est pas mon problème. Un interne est un médecin en fin de formation. Sa principale mission, c'est de se former dans les meilleurs conditions pour être, très bientôt, un médecin compétent. Il n'a pas vocation à être une petite main exploitée pour faire tourner l'Hôpital public.
Que l'organisation de l'Hôpital soit gravement remise en cause si on lui retire un certain nombre d'internes (qui plus est, de Médecine générale) me semble tout de même très révélateur sur la vision que l'on a de la formation de nos futurs médecins. Il faut changer de logique.
Je vous remercie pour votre commentaire. L'objet de mon billet n'était pas de remettre en cause votre démarche qui est intéressante même si je trouve beaucoup de chose à redire. Elle a le bon goût de faire (enfin) entendre un son de cloche différent que j'imagine plus proche que celui des syndicats ou de l'Ordre. Je pointe juste les éléments qui vous font vous inscrire dans la "pensée mainstream médicale" comme l'extrême réticence à la délégation des tâches ou l'évaluation de son activité. Ce n'est pas une attaque "personnelle", juste une remarque sur l'idée que se font les médecins de leur place dans le système de santé.
RépondreSupprimerPour l'évaluation, j'irais regarder Atoute pour comprendre à quoi peuvent ressembler ces critères qualitatifs intelligents. Mais je ne vous cache pas un à priori sceptique
Pour la subrogation des honoraires, la question n'est pas de savoir qui reverse, mais si ce n'est pas plus simple que le médecin touche directement l'honoraire. Plus vous rajoutez de la procédure, moins cela marche. Cela pose également la question du statut de la médecine générale de ville : libérale ou salariée. Dans ce dernier cas, je doute que le projet soit porté par les syndicats de MG et que vous puissiez échapper à la "fonctionnarisation" des médecins. Il me semble, en effet, peu probable que le projet de MUst se fasse indépendamment de l'ARS et d'un établissement hospitalier. Si vous vous retrouvez salarié de ce dernier, je ne sais pas si vous gagnerez au change.
Pour finir, qu'il faille changer de logique me semble évident. Je ne défend pas particulièrement l'hôpital, mais dire que c'est une réforme facilement/rapidement (je ne me souviens plus du terme employé)applicable est un leurre tant la réorganisation nécessaire est profonde. D'autant qu'au vue du dernier discours de Madame la ministre, la priorité à l'hôpital public ne risque pas de se démentir.